L'Amie prodigieuse I, II et III

Publié le par Elisa

L'Amie prodigieuse I, II et III

Cela fait quelques années que mon désir de lecture s'oriente davantage vers les essais. Je me sens un peu lasse du "romanesque", de certains poncifs et d'un lyrisme en toc.  Un exemple : 
"Alors seulement on pourrait jouir de la lumière crachée par l'astre moribond, on pourrait le regarder s'empaler sur l'horizon sec et tranchant comme une lame et disparaître lentement derrière le grand couteau des montagnes ensanglantées dans un énorme râle de couleurs."
Ouf !... A la lecture de cette phrase extraite d'un roman contemporain, je ris (et râle !). Si l'écriture au fil des pages reste décidément aussi indigeste, j'abandonne le livre. 

J'évoquais cette lassitude à quelqu'un qui me conseilla alors la lecture du best-seller "L'Amie prodigieuse" , saga d'une mystérieuse auteure italienne Elena Ferrante. J'ai entrepris consciencieusement la lecture du premier tome, sans l'abandonner, même si j'y retrouvais parfois quelques passages complaisants, irritants. Et puis, ma foi, j'ai fini par mordre complètement à l'hameçon de l'intrigue romanesque ! 
La narratrice, Elena, relate sa destinée ainsi que celle de son amie Lila dans l'Italie des années 50 à 70. Deux destinées féminines analysées avec une grande finesse psychologique. L'auteur décrit avec  justesse l'ambivalence d'une amitié, la part d'aliénation qu'elle recèle parfois. Elle exprime le sentiment d'infériorité d'Elena qui s'extrait progressivement de son milieu social misérable mais qui s'interroge aussi sur le sens qu'elle peut donner au savoir qu'elle a accumulé comme une bonne élève gentille et appliquée. Que deviennent ces connaissances lorsque l'on est assignée à devenir une "bonne" épouse et une "bonne" mère ? Dans le tome III, c'est l'ébullition des années 70 qui invite ainsi les héroïnes à s'interroger sur leur désir. Chez la narratrice Elena , devenue romancière, le désir est corrélé à l'écriture :
"Je sentais que dans mon livre, mais aussi dans les romans en général, il y avait quelque chose qui me remuait vraiment, un coeur palpitant mis à nu, le même qui avait failli faire exploser ma poitrine à l'instant, désormais si lointain, où Lila m'avait proposé d'écrire une histoire avec elle. Finalement, c'était moi qui qui l'avais écrite pour de vrai. Mais était-ce ce que je voulais ? Ecrire, écrire, mais pas par hasard, et écrire mieux que je ne l'avais encore fait ? Etudier les récits du passé et du présent pour comprendre comment ils fonctionnent et puis apprendre, apprendre tout du monde, avec pour seul objectif d'inventer des coeurs incroyablement vivants, que personne n'aurait su créer mieux que moi, pas même Lila si  elle  en avait eu la possibilité ?"  (Traduit de l'italien par Elsa Damien)

Il me semble que la magie de ce roman réside dans cette évocation de coeurs bien vivants. La traduction du dernier tome est annoncée pour octobre 2017 !!
 


 

 

Publié dans Romans

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