La Cache (2015)

Publié le par Elisa

La Cache (2015)

J'ai lu quasiment d'une traite ce récit prêté par une amie. Christophe Boltanski, grand reporter, y dessine le portrait du clan Boltanski, incroyable famille bohème, soudée autour de la grand-mère, "Mère-grand" ( c'est ainsi que son petit-fils doit la nommer). Elle est une figure libre, originale et étouffante.
Chaque partie du récit s'ouvre sur un plan de l'hôtel particulier dans lequel réside le couple des grands-parents . Ce plan représente d'abord la cour, l'emplacement de la cuisine et celui de la voiture. Il est progressivement complété au fil des pages : la description des lieux permet de tisser le portrait des différents membres de cette famille ainsi que leur histoire. On comprend vite pour quelle raison il sera question d'une cache : le grand-père est juif.
Cette famille ne ressemble à aucune autre . Atteinte par la polio alors qu'elle était une jeune femme, la grand-mère ne peut se déplacer aisément. Le roman s'ouvre donc sur la description de la voiture, véritable excroissance de la maison familiale. Une autre voiture est destinée aux vacances :
En vacances, ils parcouraient des milliers de kilomètres, non pas en Fiat 500, mais en Volvo 144, un véhicule mieux adapté à la route, robuste, carré, taillé dans l'acier suédois, qu'ils quittaient le moins possible. Ils y passaient leurs jours et leurs nuits. Pour éviter les halls, les couloirs interminables, les escaliers étroits, les mansardes exiguës d'un hôtel, Mère -Grand préférait dormir assise, coincée à l'avant, au hasard d'une ville, avec les siens empilés autour d'elle. [...] Jean-Elie siégeait à côté d'elle. J’ignore comment il faisait pour fermer l’œil avec le volant qui lui rentrait dans les côtes, la tête écrasée contre la fenêtre. Anne, alors adolescente, couchait sur la banquette. Grand-papa reposait au-dessus d'elle, sur une planche posée en équilibre, entre l'appui-tête et la plage arrière. Quand je les accompagnais, j'étais allongé dans le coffre, laissé ouvert pour que je puisse respirer, au milieu des bagages .[...] On changeait à peine de vêtements. On se lavait , comme des chats, avec un brumisateur Evian ou l'eau d'une bouillotte. On dédaignait les musées, les châteaux, les ruines, les plages, les coins de verdure, les villages pittoresques, les tables réputées, les sites qui valent le détour. Ils étaient allés ainsi , sans moi ces fois-là, jusqu'en Iran, au cercle polaire, à Moscou, au delà du tropique du Cancer. Ils avaient traversé les États-Unis d'est en ouest, l'Australie du nord au sud. Comme dit Paul Morand, en voyage, ils sacrifiaient la profondeur à l'étendue.

Publié dans Romans

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