L'un est l'autre

Publié le par Elisabeth

L'un est l'autre

Cet essai de la philosophe Elisabeth Badinter a été publié en 1986. Je l'ai pioché dans la bibliothèque d'une amie car la thématique de la construction du genre m'intéresse. Trente ans se sont donc écoulés depuis l'écriture de ce rapide historique des relations entre les hommes et les femmes. L'auteure y relate les origines et les formes du patriarcat et émet même l'hypothèse d'une relation plus égalitaire dans des temps archaïques (contrairement à mon idée reçue).
Elle y analyse aussi de manière optimiste les temps modernes. Trente après, j'ai l'impression que l'évolution décrite est toujours en marche mais quelle lenteur dans le processus ! Et combien de reculs !
Ce que j'ai apprécié dans cet essai c'est ce voyage dans le temps ,dans l'espace, dans d'autres civilisations qui nous oblige à regarder et à penser autrement notre présent, en dehors du carcan judéo-chrétien. Voici donc un extrait qui évoque un exemple surprenant et donne aussi matière à réfléchir :
La mixité des rôles et des sentiments nous rend de plus en plus difficile la discrimination sexuelle. Celle-ci a perdu son caractère premier et fondamental, et nous paraît souvent secondaire. La différenciation des individus et des groupes se fait selon des clivages plus subtils que le sexe, comme par exemple, l'âge, la culture ou la sensibilité. Cette dernière n'est d'ailleurs pas étrangère à la façon dont nous appréhendons le masculin et le féminin en nous.
Dans certaines sociétés, ce qui distingue l'homme de la femme est moins le sexe que le pouvoir de fécondité
. [...] Badinter cite alors l'anthropologue Françoise Héritier: Chez les Nuer d'Afrique orientale, les femmes stériles sont considérées comme des hommes et ont droit à tous les avantages qui sont les leurs. Elle recevra une part de bétail, aura peu à peu un troupeau et paiera alors la dot nécessaire pour se procurer une épouse. Ses femmes l'appelleront "mon mari". Elle engage un géniteur qui sera aussi son domestique. Ses femmes auront des enfants qui l'appelleront "père".
Puis elle revient à notre civilisation : Dans nos sociétés, la contraception et la catégorie des femmes volontairement stériles ôtent à la grossesse son caractère d'expérience cruciale, d'étape nécessaire pour accéder à la féminité. Celles qui ne veulent pas d'enfants ne se sentent pas moins femmes pour autant. [...]
L'humanité bisexuelle rapproche les sexes jusqu'à la plus grande ressemblance possible. Ce faisant, elle permet l'expression de toutes les différences personnelles. Elle n'est plus scindée en deux groupes hétérogènes, mais elle est constituée d'une multiplicité d'individualités qui à la fois se ressemblent et se distinguent par toutes sortes de nuance
s.

C'est le caractère libérateur, émancipateur de cette évolution que souligne ainsi Badinter. Que l'on soit homme ou femme. Cette liberté génère des peurs mais elle est la source de notre créativité.

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