Du silence (2)

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Du silence (2)

Je poursuis la lecture de cet essai de David Le Breton : le sujet est traité avec érudition et certaines formulations sont à la fois belles et limpides. J'ai donc constamment le crayon à la main!

Vous connaissez tous cette gêne qui surgit quand un silence survient au milieu de conversations : "un ange passe" , dit-on pour conjurer cet embarras. Le Breton traduit clairement ce qui se joue à ces moments de silence : "Le vide ainsi créé hors de toute ritualité est comme une confrontation brutale avec l'intimité de l'autre." "Se taire revient à afficher son visage, ses mains, à livrer son corps à l'indiscrétion de l'autre sans pouvoir se défendre de son attention réelle ou imaginaire".
L'essayiste interprète alors les "musiques d'ambiance" que l'on entend dans les commerces, les lieux publics, comme "des équivalents phoniques des paravents" , confinant chacun dans un espace propre "par le brouillage ainsi suscité autour de soi".
Nous sommes loin ici du silence complice, loin de cette anecdote extraordinaire que relate l'écrivain Nikos Kazantzaki, cité par Le Breton : dans la Chine des années trente la quête de Kazantzaki le mène dans un temple de Pékin où il assiste à un concert silencieux. Les musiciens prennent place, ajustent leur instrument. "Le vieux maître de la maison ébauche le geste de frapper dans ses mains; mais ses paumes s'arrêtent juste avant de se toucher. C'est le signal qui ouvre cet étonnant concert muet. Les violonistes lèvent leurs archets et les flûtistes ajustent les instruments sur leurs lèvres tandis que leurs doigts se déplacent rapidement sur les trous. Profond silence ...On n'entend rien." ( extrait "du Mont Sinaï à l'île de Vénus")
Quelle étrange expérience ! Qui sait ce que chacun entend en lui ?

Publié dans essais

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