Just kids

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Just kids

J'ai commencé à lire ce récit autobiographique de Patti Smith publié en 2010. Il ne correspond pas à l’idée que j'aurais pu m'en faire : celle d'un récit un peu "trash" et sombre d'une artiste rock. J'avais été surprise d'entendre et de lire nombre d'éloges sur le caractère poétique de son écriture. Je n'associais pas poésie, rock et punk et j'avais bien tort. Baudelaire , Rimbaud ne seraient-ils pas de vrais punks ?
Les premiers chapitres m'ont touchée par leur beauté, leur simplicité et leur pudeur. Elle y raconte son enfance en quelques touches puis sa rencontre avec le futur photographe Robert Mapplethorpe. Patti Smith décrit sans pathos leur faim , leur misère mais aussi et surtout leur magnifique liberté, leur foi dans l'art.
Comme souvent dans un récit autobiographique, elle évoque un moment initial, fugace où sa sensibilité d'artiste fut éveillée. Le livre débute ainsi :
Quand j'étais toute petite, ma mère m'emmenait en promenade à Homboldt Park, le long des berges de la rivière Prairie. Je garde le souvenir vague, comme des impressions sur des plaques de verre, d'un grand hangar à bateaux, d'un kiosque à musique, d'un pont à arches en pierre; le goulet de la rivière se vidait dans une vaste lagune : j'ai vu à sa surface un curieux miracle. un long cou incurvé jaillissait d'une robe de plumes blanches. L'animal fit clapoter l'eau claire, battre ses ailes gigantesques, et s'éleva dans le ciel.
Cygne, dit ma mère, qui sentait mon excitation.
Mais le mot était loin de suffire à rendre compte de sa magnificence ou à transmettre l'émotion qu'il produisait en moi; la vision de l'oiseau créait un besoin pressant pour lequel je n'ai pas de mots, un désir de parler du cygne, de dire quelque chose de sa blancheur, de la nature explosive de son mouvement, et du lent battement de ses ailes.
Le cygne ne fit plus qu'un avec le ciel. Je peinai à trouver les mots pour dire la perception que j'en avais. Cygne, répétai-je, pas pleinement satisfaite, et je ressentis un tiraillement, une étrange nostalgie, imperceptible aux passants, à ma mère, aux arbres ou aux nua
ges. (traduction d'Héloïse Esquié)

Je suis émerveillée par cette première page : elle y retrace l'éblouissement, le sentiment d'étrangeté, la nostalgie, le désir d'épouser la réalité avec ses propres mots, les mots d'une artiste.


Publié dans Romans

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D
Très belle première page en effet, j'ai envie de lire la suite !
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