L'Ecole du réel (1)

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L'Ecole du réel (1)

Ce livre du philosophe Clément Rosset m'a été conseillé et je prends effectivement beaucoup de plaisir à le lire. Il est tellement dense que je prendrai certainement le temps de rédiger plusieurs articles sur lui. Il commence par un chapitre intitulé :"l'illusion oraculaire : l'événement et son double". Rosset s'appuie largement dans cette partie sur le mythe d’Oedipe et ce qui m'a frappée , c'est cette évidence qui ne m'a pourtant jamais sauté aux yeux : "La voie par laquelle Oedipe réalise son destin est la voie droite par excellence."
Lorsqu'Oedipe apprend de la bouche de la Pythie qu'il tuera son père et épousera sa mère, il quitte aussitôt Polybos et Périboea dont il se croit le fils. Mais il rencontre son "destin" puisqu'il tue Laïos, son véritable père, sur un chemin et épouse la reine Jocaste, sa mère. Il rencontre ainsi son "destin" pour avoir voulu l'éviter. C'est un motif courant dans les contes et les mythes.
Mais comment diable Oedipe a-t-il pu croire qu'il tuerait Polybos et Périboea qu'il aimait profondément ? C'est cette croyance en un événement hautement improbable qui paraît surprenante . Comme l'écrit Rosset "toutes les versions possibles de l'événement ( tuer son père et épouser sa mère) apparaissent comme finalement beaucoup plus improbables encore que la version réelle qui a pourtant surpris. " [...] L'événement aurait pris la place d'un "autre" événement mais cet autre événement n'est lui-même rien. [...] En se réalisant, l'événement n'a rien fait que se réaliser. Il n'a pas pris la place d'un autre événement."
Ainsi nous vivons souvent dans l'illusion que le "réel véritable est ailleurs" , "que la réalité dans son ensemble serait "un mauvais réel" car "l'unique comble l'attente en se réalisant mais la déçoit en biffant tout autre mode de réalisation. C'est d'ailleurs là le sort de tout événement au monde". C'est pourquoi nous inventons un double du Réel, nous ne supportons pas le caractère unique de l'événement, du réel.
Plus loin dans son ouvrage, Rosset s'appuie sur un autre exemple , très concret , tout aussi ironique que l'histoire du pauvre Oedipe : c'est souvent en évitant de paraître crétin, que l'on finit par le paraître, voire par l'être. Ironie du sort ...

Publié dans essais

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